« Tel jardinier constate que ses légumes semblent aimer la musique, tel paysan affirme que ses vaches produisent plus de lait lorsqu'il leur fait écouter du Mozart…” Nous avons tous entendu ces propos qui résonnent agréablement dans nos esprits, et certains les ont même vérifiés. Mais le processus expliquant ces phénomènes était resté inconnu. Ce mystère semble bien avoir été élucidé par un physicien français, Joël Sternheimer, dont les recherches démontrent qu'il est possible de favoriser le métabolisme ou l'inhibition de certaines protéines dans les organismes vivants à l'aide de musique.
A l'heure où les scientifiques engloutissent des dizaines de millions de francs dans les recherches sur le génome, pour des résultats peu significatifs voire inexistants en médecine (maladies génétiques) et des applications on ne peut plus douteuses et dangereuses pour l'équilibre de nos écosystèmes (O.G.M.), l'alternative que propose les travaux de Joël Sternheimer tient du merveilleux que la créativité humaine peut offrir à notre monde devenu, par ailleurs, si limité.
Disciple de Louis de Broglie (prix Nobel de physique de 1929), spécialisé dans le domaine de la physique quantique, sa sensibilité le porta naturellement à souhaiter rester indépendant, intellectuellement et matériellement, de la démarche orthodoxe. C'est en fait une tendance naturelle à appliquer les enseignements de la théorie des quanta qui le poussa à refuser les modèles qu'on lui proposait. Ceux-ci avait le tort de séparer les objets d'étude de leur contexte global, qu'il s'agisse de particules composant la matière ou de cellules formant le vivant, niant donc les relations et les liens subtils entre ces dernières et leur environnement.
Il rejoint ainsi les scientifiques et philosophes, de renommée internationale, qui tiraient la sonnette d'alarme sur les dangers menaçant la survie de l'humanité et estimaient, lors du colloque “Nature et Culture” qui les réunissait à Tokyo en 1996, sous l'égide de l'UNESCO, que l'homme du 20e siècle est resté limité à une conception mécaniste du monde héritée du 19e siècle, alors que les connaissances issues de la découverte du modèle quantique démontrent que l'univers se comporte plus comme une pensée que comme une mécanique.
Ses moyens, Joël Sternheimer les doit aussi à sa sensibilité, transposée à la musique. Il eut un gros succès en 1967, comme auteur-interprète, sous le nom d'“Évariste”. Talent qui lui offrit l'autonomie financière dans sa recherche scientifique et au final, à sa propre surprise, lui fournit une clef majeure dans l'application de ses découvertes.
Des “ondes d'échelle” des acides aminés aux chants des protéines. La découverte de Joël Sternheimer se base sur une observation quantique du métabolisme biologique des protéines. Celles-ci sont constituées de chaînes de quelques dizaines à plusieurs centaines d'acides aminés. La plupart sont mis à la disposition de l'organisme par la digestion des protéines présentes dans l'alimentation. L'A.D.N. des cellules donne le signal de la protéine nécessaire en libérant un A.R.N. messager qui va se fixer sur le ribosome de la cellule, sorte d'établi très stable, puis l'A.R.N. de transfert qui transporte un acide aminé vient se fixer à son tour sur l'A.R.N. messager. Par déplacements successifs les acides aminés vont ainsi s'accrocher les uns aux autres jusqu'à former la chaîne protéique souhaitée.
Ce processus est bien connu depuis longtemps, mais Joël Sternheimer a mis en évidence que lorsque l'acide aminé se fixe sur l'A.R.N. messager, sa perte de liberté et sa stabilisation vis-à-vis de l'agitation thermique provoque un comportement, non plus particulaire, mais ondulatoire pendant quelques secondes. Il émet alors un signal. Un procédé complexe permet au chercheur de calculer les caractéristiques de cette “onde d'échelle”, ce qui lui permet de la transposer sous la forme, par exemple, audible, d'une note de musique.
Il obtient alors, pour une chaîne protidique, une suite de notes composant la mélodie de la protéine. Le tour (de maître) est joué, on peut alors favoriser la production de la protéine en question dans un organisme en lui diffusant la mélodie correspondant à son métabolisme, ou au contraire l'inhiber en jouant la mélodie opposée dans les aigus ou dans les graves. Et il le prouve par les résultats époustouflants d'expérimentations de “régulations épigénétiques par transposition musicale de biosynthèses protéiques.”
Tomates mélomanes. Pendant l'été 1993, une première expérimentation fut conduite dans un jardin potager spécialement créé pour l'occasion à Lacave, en Ariège. Les tomates dites “musicales” reçurent pendant trois minutes par jour, par l'emploi d'un simple radiocassette, les transpositions musicales de six protéines : thaumatine 1 (pour le métabolisme énergétique), extensines de tomate (pour la croissance), LAT52 (pour la floraison), TAS14 (pour l'alimentation en eau), et, pendant quelques jours, virus de la mosaïque de la tomate dans le sens inhibiteur (début d'attaque chez certains plants). Les tomates musicales furent deux fois plus nombreuses (et même jusqu'à trois fois plus nombreuses pour les plants les plus proches de la source sonore) que les tomates-témoins sans musique. Elles étaient également 2,5 fois plus grosses. La diffusion de la protéine anti-sécheresse permit de n'arroser le jardin musical que deux fois par semaine au lieu de l'arrosage quotidien habituel en période de canicule. En somme, c'est un rendement 20 fois plus important, qui fut constaté, pour la même quantité d'eau, avec en prime un goût plus sucré et savoureux des tomates musicales. Quant au virus de la mosaïque, il disparut après quelques jours de diffusion de sa “musique” dans le sens inhibiteur. Les autres légumes du jardin connurent des différences comparables : poireaux et oignons trois à quatre fois plus lourds, carottes plus grosses et plus sucrées, haricots verts plus abondants.
Une réponse inespérée pour les pays chauds. – Les applications pour les régions soumises à un climat non tempéré sautent aux yeux, ce qui poussa Joël Sternheimer et son équipe à renouveler l'expérience portant sur la protéine antisécheresse sur plusieurs centaines de plants de tomates dans une région sèche, située cent kilomètres au sud de Dakar, au Sénégal. Deux parcelles, “musicale” et témoin, furent donc cultivées de juillet à octobre 1996, après qu'ait été vérifiée la bonne tolérance chez l'homme en cas d'écoute accidentelle, un volontaire humain ayant spontanément diminué de deux fois sa ration quotidienne d'eau pendant une semaine en écoutant ce thème une fois par jour.
Les résultats montrèrent un rendement de dix à vingt fois supérieur dans la parcelle musicale. Après un épandage accidentel d'urée sur certains pieds, les plants témoins moururent alors que les plants musicaux se revitalisèrent rapidement. De plus, les tomates-témoins furent attaquées par de nombreux insectes et prédateurs alors que les tomates musicales restaient indemnes de toute attaque, les parasites faisant apparemment preuve d'une certaine conscience environnementale qui fait encore défaut à notre humanité. Seul bémol à cette expérimentation, un surdosage musical qui provoqua l'éclatement, au niveau du calice, des tomates musicales gorgées d'eau (alors qu'elles recevaient deux fois moins d'eau).
Applications agro-alimentaires et dépolluantes. – Dans le domaine agroalimentaire, plusieurs sociétés japonaises s'intéressent de près à l'utilisation de certaines musiques (jouées par divers instruments) pour améliorer la fermentation des levures employées lors de la fabrication de miso et de sauce à base (Gomeikaisha Takada), ou la panification (Shikishima Bread Co, qui commercialise du pain “musical” depuis 1990). Pedro Ferrandiz, qui travaille en collaboration avec Joël Sternheimer, a obtenu des résultats probants : pains moins acides, se conservant deux fois mieux, plus volumineux, et poursuit ses études pour les boulangeries “pain poilâne”, avec le concours de Philippe Roussel, du laboratoire de panification de l'E.N.S.M.I.C. (école nationale supérieure de meunerie et des industries céréalières).
Une autre expérience, du 1er au 14 septembre 1997, fut menée par l'équipe de Joël Sternheimer, intéressant cette fois-ci la conservation des fruits et légumes, problème majeur de la distribution agro-alimentaire. Elle choisit d'exposer des avocats, enfermés dans une malle à température ambiante, au thème musical inhibiteur de plusieurs enzymes (protéine) de mûrissement pendant trois minutes par jour, alors que le même nombre d'avocats du même lot étaient placés dans une autre malle soumise aux mêmes conditions mais sans musique. Résultat : la durée de conservation fut plus que doublée pour les avocats musicaux (12 jours au lieu de 5 jours pour les autres).
C'est dans le but d'obtenir une démonstration moins sujette aux facteurs environnementaux que celles réalisées sur des organismes complexes comme les fruits, légumes, ou levures de fermentation du pain, que Pedro Ferrandiz choisit un modèle simple, facilement reproductible, avec la stimulation musicale des protéines pigmentaires de micro-algues du genre Anabaena. Il obtint en une dizaine de jours, à raison de diffusion pendant une demi-heure par jour, une pigmentation beaucoup plus importante et surtout une production par photosynthèse d'une quantité d'oxygène 16 fois plus importante pour les algues en présence de la diffusion musicale, d'ailleurs proportionnelle à la fixation du gaz carbonique, responsable, comme on le sait, de l'effet de serre. Les applications possibles sur le traitement de la pollution atmosphérique paraissent évidentes.
Au final il paraît difficile d'évaluer l'étendue de la portée du brevet déposé en 1992 par Joël Sternheimer, qu'il s'agisse des applications agricoles, alimentaires ou écologiques. Quant aux applications sur les organismes animaux ou humains, le champ de recherche est ouvert, même si ce chercheur reste prudent. Malgré le caractère plutôt doux de ces traitements épigénétiques par la musique, il se refuse à jouer les apprentis sorciers. Il nous avouait pourtant, lors du récent festival “Sciences-Frontière” à Cavaillon, avoir pu soulager et améliorer l'état de santé d'une de ses amies atteinte d'une leucémie. Il s'amuse à constater les corrélations entre ses découvertes et la production artistique musicale, citant par exemple une chanson populaire japonaise La Chanson des pommes, gros succès de l'après-guerre. Cette chanson comporte plusieurs passages identiques à la mélodie qui inhibe la fonction de la protéine “inhibiteur d'acrosine II”. Celle-ci est une protéine de la semence masculine qui inhibe le pouvoir que possède la tête des spermatozoïdes de dissoudre la membrane de l'ovule. Inhiber cette protéine inhibitrice revient donc à stimuler la fécondation. Le compositeur a donc eu l'inspiration qui répondait au besoin naturel du peuple japonais de faire des enfants après la fin de la guerre, provoquant le baby-boom très souvent constaté dans ce type de circonstances.
Bravo Joël. Nous savions que la musique adoucit les mœurs, mais grâce à vous sa diffusion dans beaucoup de domaines de la vie pourrait bien aider à la guérison de bien des maux de notre monde.
Joël Sternheimer est professeur à l'université européenne de la recherche.